• 09/07/2016
J'étais ce lundi 4 juillet en fin de soirée dans le secteur du col de la Traversette dans le but d'aller voir les travaux réalisés sur le tunnel en 2014 ....et ce sans me douter le moins du monde des études scientifiques pratiquées récemment par des universités étrangères ou de celles restant à effectuer.
Ce n'est qu'après avoir envoyé mes photos à une amie américaine que j'ai appris par celle-ci que les canadiens s'intéressaient précisément à ce col pour tenter d'apporter des preuves à une histoire ayant déjà fait couler beaucoup d'encre ! Le monde est bien petit...
Pour ma part, quelles que soient les données du problème concernant le fameux passage d'Hannibal, quelles qu'en soient les contingences historiques, géographiques, je n'ai jamais pu me promener dans ce secteur auréolé de légendes et de mystère sans me poser la question : et si c'était vrai ?
L' aspect actuel des lieux , la hauteur du col, l'approche finale de la barrière rocheuse à traverser, la dégringolade naturelle existant du côté italien laissent sceptique ou du moins perplexe...
Et c'est tellement vrai que les souverains du quinzième siècle tentèrent d'améliorer quelque peu le passage en creusant une galerie.
Mais il semble que cet itinéraire, malgré ses difficultés, et la concurrence de cols voisins d'un accès plus aisé ait été pratiqué depuis la nuit des temps.
Et nos esprits modernes ne doivent pas s'arrêter à l'idée que des armées n'aient pas pu s'infiltrer dans des secteurs géographiquement hostiles ou qui nous paraissent impraticables.
Des troupes sont passées par nos cols, jusqu'aux temps modernes, avec leur impedimenta leurs destriers et même leurs canons !
Certes, si l'on retient la thèse du trajet d'Hannibal par les Alpes du Sud, le passage naturel le plus logique et le meilleur est indubitablement le Mont Genèvre.
Et il est assuré que le général carthaginois ait été parfaitement renseigné avant de se lancer dans son équipée.
Ceci étant, sans même faire référence aux textes quasi sacrés sur le sujet que sont ceux de Polybe et de Tite Live il est possible d'imaginer que tout ne se soit pas déroulé comme le Carthaginois l'avait prévu : présence de tribus en plein litige, ou de peuples hostiles ou tout simplement épouvantés et cherchant à de défendre, incertitude des guides, trahisons, obstacles naturels au passage d'une immense armée, de cavaliers et d'éléphants, rigueur du climat...etc.
Il ne faut pas non plus perdre de vue le fait que le passage devait se faire le plus vite possible, loin des secteurs occupés par les alliés des romains et des romains eux-mêmes qui pistaient Hannibal depuis la basse vallée du Rhône et qui n'arrivèrent au point où il avait franchi le fleuve et campé qu'avec très peu de retard.
Et d'un point de vue stratégique, s'il s'agissait de surprendre Rome, était-il judicieux d'emprunter la voie de passage traditionnelle du Mont Genèvre, future via Domitia, la plus connue, la plus facile à atteindre des deux côtés des Alpes ?
En -218 la République romaine n'avait pas encore totalement soumis la gaule Cisalpine (Gallia Togata) : lors de la deuxième guerre punique, certaines populations cisalpines (celtes) se sont même alliées à Carthage et elles furent présentes lors de la bataille du lac Trasimène.. Les Taurini semblent au contraire avoir été dans le camp opposé...
Les peuples des Alpes qu'on nommera plus tard Cottiennes étaient établis des deux côtés de la montagne, laquelle était certainement traversées de sentiers et /ou de pistes, moins commodes que l'itinéraire du Mont Genèvre, mais plus directs.
La montée des Alpes par le Mont Genèvre ne présente enfin aucune des difficultés signalées par les auteurs anciens (à moins que ces difficultés ne se rapportent à des secteurs bien antérieurs (pays Voconce etc.).
Un autre point souvent évoqué est relatif à l'impraticabilité relative des gorges du Guil et de la Combe et aux faiblesses du sentier muletier permettant de rejoindre Guillestre (qui auraient fait reculer Louis XIII si la légende est vraie...).
Mais cet itinéraire n'était pas celui des anciens romains ni probablement des populations autochtones les ayant précédés : la voie, ou la piste, ne pouvaient pas emprunter un fond de vallée sujet à des inondations et éboulements franchir une rivière puissante à de multiples reprises, et ne pouvaient être établies qu'à l'adret de la montagne, à une altitude relativement constante, assises sur des terrains stables.
Il y a des traces visibles de cet itinéraire dans le secteur des Escoyères, comme chacun sait, et peut être aussi en différents lieux qui restent à explorer depuis Eygliers et même plus haut dans la vallée ( j'avais remarqué il y a quelques années, en explorant le site de l'ancien hameau du Villard où ma famille avait des terres, une curieuse saignée à flanc de rocher qui n'a pas échappé à la perspicacité de M. FALCHI, esprit éclairé et infatigable chercheur, et dont j'ai du mal à croire qu'elle ait été pratiquée dans les temps modernes pour permettre aux mulets chargés de foin, de quitter les alpages pour rejoindre Ville-Vieille).
Ceci étant, tout chauvinisme étant écarté, je n'ai aucun à priori en faveur du col de la Traversette ni d'aucun autre pertuis queyrassin ou haut-alpin.
Mais les études récentes faisant l'objet de cet article ont retenu mon attention, et leur nature, inattendue et surprenante pour moi, me paraît intéressante à la condition qu'elles soient poursuivies de manière très complète et il serait évidemment à souhaiter que ces tourbières nous aient conservé autre chose que des déjections...
Les questions que je me pose sont les suivantes :
- Pourquoi les chercheurs de Toronto et de Belfast sont ils allé "carotter" les terrains situés en aval de ce col de la Traversette plutôt que d'un autre ?
- N'y a-t-il pas de terrains de ce type ailleurs ? Il me semble voir de nombreuses tourbières çà et là en dessous des massifs et des cols, c'est une formation naturelle en terrain glaciaire.
- En quoi la présence d'excréments de chevaux serait- elle exceptionnelle (quantité ?) même s'il venait à être prouvé que ces résidus dateraient de plus de 2000 ans ?
- Peut - on par ailleurs déterminer avec précision la race des chevaux qui les a produits ?
- Est-il possible de détecter la présence de résidus de déjections des petits pachydermes africains ?
- Comment croire qu'une telle armée campant pendant quelques jours n'ait pas laissé de quelconques autres traces de sa présence dans une tourbe naturellement conservatrice, de débris divers, même s'il est facile d'imaginer que les autochtones aient pu passer après Hannibal pour récupérer tout ce qui avait pu être abandonné ou perdu ?
- Comment persuader les autorités archéologiques de l'Université d'Aix de s'intéresser à ce projet quand on sait le peu d'intérêt manifesté pour nos régions, la multitude des chantiers existant en PACA et le manque chronique de fonds ?
- Est-il concevable que des particuliers, puissent effectuer de telles recherches, sous l'autorité de l'Université ?
Je suivrai volontiers tous les développements relatifs à ce que vous nommez "mise en émoi de la sphère médiatique" mais qui me paraît avoir fait plus de bruit dans les milieux intellectuels de Philadelphie, d'où je tiens l'information, que dans nos paisibles villages.
J'en termine avec mes bavardages et vous encourage pour le travail fourni.